blog image

A l'occasion de la rencontre régionale de janvier dernier à Montpellier, proposée par la Fabrique des transitions, le poète Mathieu Gabard a proposé une mise en récit poétique de l'accompagnement des territoires dans la transition. Plongeon dans son univers artistique.

Mathieu Gabard, poète : "Il faut du temps long pour que le fruit mûrisse..."

A l'occasion de la rencontre régionale de janvier dernier à Montpellier, proposée par la Fabrique des transitions, le poète Mathieu Gabard a proposé une mise en récit poétique de l'accompagnement des territoires dans la transition. Plongeon dans son univers artistique.

POÈMEDE MATHIEU TULISSI GABARD

Cohorte du 21 janvier 2025 – Montpellier – Château de Grammont

Elle lève la main, regardant de droite à gauche les gens dans les yeux, micro droit lunettes mains, c’est légitime, il faut qu’on construise cette stratégie des collectivités, qu’on se donne les moyens de faire des récits

ceci est une étape

la parole travaille avec nous

nousavons le plaisir d’avoir

l’équipe

cette journée trajectoire

de rétroviseurs et d’à présent

pour l’avenir

une dynamique, un démarrage

quelque chose de plus que la fin

ici, une réunion

on touche les questions

ça nous permet de relever la tête

on va voir ce qu’on a pas l’habitude

cette question de démultiplier les occasions

de discuter, faire des récits

communiquer, expliquer, rendre désirable

prisonniers d’indicateurs très techniques

c’est très vaste, il faut passer à l’action

faire masse pour faire sentir cette urgence

je schématise, je suis franche, j’apprécie l’écoute, on s’est emparé d’une idée, une parenthèse qui lève le nez du guidon dans la course folle. pour avancer à partir de beaucoup plus long que ce qu’on voudrait

comment sortir de la connaissance du dérèglement climatique, dépasser ça et changer concrètement, est-ce qu’on est aujourd’hui encapacité de changer, de se donner encore des alternatives et ne pas devoir subir comme à Valence

en France aussi on a des problèmes de désertification, il arrive un moment où le plancher s’effondre

la porte grince, la porte, ce passage, ce seuil, cette transition, qui grince, dérange, scande à intervalles réguliers, une grande porte en bois, que l’on pousse, un petit effort, une transition. Ce bruit fort, dérangeant, qui peut taper légèrement sur le système, mais nécessaire pour sortir, pour entrer, pour changer d’air. C’est vrai on pourrait aussi la huiler –huiler la transition ça veut dire quoi ? Cette porte c’est quoi dans la transition sociale et écologique ? Des portes, partout, dans chaque collectivité, dans chaque foyer, dans chaque individu, des milliers de portes qui grincent qui font du bruit qui désirent, parlent, vivent, jouent, quel est ce chant, à écouter, ce langage à comprendre, ce langage de bois, cette langue d’arbre, ces branches, ces ramifications, ces strates, ce langage qui nous porte, ce langage de l’autre, de l’autre, radicalement autre, ces portes bizarres, ces foyers, ces extérieurs, ces bois dont nous sommes faits, ces âmes d’instruments qui résonnent et jouent

parler de la méthode ou pas ? travailler le vocabulaire pour le rendre plus accessible, plutôt faire que parler de la méthode

je pense vraiment formation, démocratisation de la formation, pas de la sensibilisation « yakafokon vous êtes pas des gens bien »mais de la formation

je rajouterai coopération, au sens entraide, prise de risque partagée

ferment ça marche bien, j’ai failli utiliser le mot terreau tout à l’heure

j’ai plein d’idées

Poème des post-its : rencontre inhabituelle / d’écoute territoriale/ comme une célébration / être patient.e.s / mais très proches /perdre du temps / être plus impliqué.e.s / à l’horizontal / le ressenti d’une errance / à planifier sans foncer / être / une prise de recul et de confort / une meilleure interconnaissance / la création / qui va

qu’est ce que ça produit ce costkiller ?!

il nous faut un propos de vérité, c’est à dire une parole sincère

un espace qui redémarre et s’approfondit

les uns avec les autres

la porte ne parle plus, elle écoute, silencieuse, grappillant comme elle peut des manières de changer, changer sa manière de faire seuil, d’ouvrir ou de fermer

les gens ne comprennent pas, j’ai mis vachement de temps à comprendre qui fait quoi dans la transition, qui porte quoi, les allié·e·s, les porteurs, en fait c’est la finalité, j’attends mes collègues

par petits groupes, des brouhahas discutent, la porte écoute, on ne grince plus on brouhaha, on petits nuages confus de mots, on globalement incompréhensible, on globalement des petites éclaircies, mais plus on s’approche, plus on précise, on s’écoute, on comprend, on réalise, en petits groupes, en petits groupes ensemble, on s’approche

ensemble

dans un même lieu

petits nuages font ciel

petits nuages font terre

petits nuages font seuils

partage des sensations

ne passe sentir seul

j’ai entendu faire confiance, j’ai entendu subsidiarité, j’ai entendu pognon, j’ai entendu coopération, j’ai entendu transversalité bien adaptée

onrenforce les liens entre nous

Poèmesdes bouts d’papiers :

avant decommencer / un pas de côté / pas évident / demander à qui ?/ le temps long / une table ronde / projetée sur le territoire

descollègues remettent en cause le projet / c’est quoi ce bazar / nedégage pas un engouement excessif / il a fallu expliquer / ladémarche en tension / c’est vaste / et moi qui n’était pas aucourant

la pierre de ces murs, des coquillages qui datent de 20 millions d’années, y a ptêtre des dents de requins dans la pierre, ici on voit les stratifications du temps. C’est de la pierre locale de Beaulieu, toute la garrigue de Montpellier au pont du Gard est truffée de trous, de carrières très anciennes, tout un parcours de savoir faire, cette arche n’est pas si ancienne que ça, des chapiteaux médiévaux dans les murs ; c’est martelé au p’tit marteau de tailleur de pierre, c’est très long à faire, tu martèles ça pour la rendre plane, c’est magnifique, celle là est fondue, ça date de l’époque médiévale, l’habitat est vivant

le tempslong de la pierre, les désirs, les découragements et les souhaitsdu temps long, nous réconcilier avec une vision sur plusieursgénérations, les sioux disent que toux choix, toute action sur leterritoire, qui comprend l’humain et tout le vivant, doit se fairesur cinq générations, les deux générations précédentes, celleactuelle et les deux suivantes

le savoir faire des  tailleurs de pierre, c’est du compagnonnage, et d’ailleurs ici aussi on parle de compagnonnage

ici les pierres parlent aussi, dans leur langage plus difficile à partager, s’agirait-il pour réussir une transition sociale et écologique de trouver la manière de dialoguer avec les murs et les portes, la pierre et le bois, les paysages, le déjà-là et le passage, ce qui nous tient et ce que l’on franchit ensemble ? Les murs ont des oreilles et des dents de requins, et, qui sait, peut-être la force de ces orques qui renversent les bateaux qui dérangent et dévastent leur intimité, leur localité, leur région de pleine mer... nos murs ont des oreilles et des dents de requins, des forces d’orques et des chants de baleine, le ressenti d’une carrière héraultaise, des vols de flamants roses, les stratifications de nos histoires

il s’agit d’inverser la pyramide et partir directement du territoire, des gens, du vivant, de nous, de plus bas et plus autre que nous

continuer à phosphorer ensemble, pas penser tout seul dans notre coin, mais réfléchir à des envies en coresponsabilité. On met en place des dynamiques apprenantes. C’est aussi parce qu’on se met en dynamique collective qu’on se transforme individuellement

et ce tableau qui a notre dos, qui nous adosse, nous porte, discrètement et grandement aujourd’hui, il est beau ce tableau, des gens qui regardent et des gens qui passent, un ciel pas azuréen, mais languedocien, peut-être frontignan, ou aigues mortes, une eau bien faite, pas facile à faire, l’écume, mais aussi le transparent de l’eau sur le sable

un trajet, une avancée, une procession et tous ces gens différents, une cohorte 

une foule, pauvre manant à genoux, des femmes avec des enfants, un homme avec un bâton, des porteurs portant des statues, des effigies, des drapeaux et des emblèmes derrière, un rituel, en bord de mer, entre l’eau et le sable, entre terre et mer, une procession, à la fois un process, l’avancée d’un projet, et une procession, la question du sacré, de ce en quoi l’on croit collectivement et qui nous porte, sans virer dans le sectaire, qu’est ce que ce tableau cherche à nous dire aujourd’hui ?quelle histoire veut-il nous transférer ?ou plutôt quelle histoire peut-on transférer de lui ? quelle histoire peut-on s’en raconter ? quelles énergies, récits et stratégies ? comment peut-il nous faire du bien ? comment peut-on se faire du bien ? au loin, une église ou une usine ?un château fort ? pour sûr : la mer, la plage et des gens, une procession, une porte, une voûte, des murs, et nous

on se sent impuissant, on nage à contre courant, on est porteurs de solution, nous sommes le fruit de la mutualisation de territoires pionniers qui ont développé des expérimentations systémiques, on n’a pas rien dans les mains

logiques d’alliances, éco systèmes multi-acteurs, on reste chevillés au corps avec un rêve et une ambition, les vents contraires nous poussent à nous renforcer, notre souhait est d’engager une alliance au moins nationale, une continuité

on est dans un bâtiment qui date du 11eme siècle et on est dans une région qui pense l’habitat durable, on est des bâtisseurs de cathédrale, du temps long, y a besoin de cheminer, passer d’une logique d’accompagnement à une logique de compagnonnage, un rapport à la communauté, s’inscrire dans la coopération, partir de l’engagement des acteurs, évoluer autrement que par la valeur économique

on voit les bourgeons sur l’arbre

il faut du temps long pour que le fruit mûrisse

Texte : collecte, écriture et montage

réalisé par Mathieu Tulissi Gabard